Aujourd’hui, une vente sur deux de cabinet d’administration de biens concerne un actionnariat familial. Ces affaires jouissent d’une bonne image parmi les acheteurs. Mais leur histoire est chargée, plus souvent qu’ailleurs, de sentiments, de non-dits, voire de désaccords à résoudre entre actionnaires. Un professionnel de la cession saura mettre de la rationalité dans les débats, prendra toutes les précautions pour anticiper les conflits, et amènera les parties à s’entendre autour du meilleur prix possible.
A chaque cession de cabinet familial, une histoire à comprendre et à apaiser, autant qu’une affaire à conclure
« Plus de la moitié des cabinets que des cédants nous confient à la vente sont des affaires de famille ». Laurent Charrier, associé de Viou & Gouron, le spécialiste des transactions entre professionnels de l’administration de biens, y distingue deux catégories : « Il y a les cabinets qui sont les héritiers d’une longue tradition familiale, dans lesquels plusieurs générations de dirigeants se sont succédés, et parfois même continuent de travailler ensemble. Et d’autre part les cabinets familiaux de première génération, où plusieurs membres d’une même famille sont salariés et actionnaires d’un même cabinet, par exemple frères et sœurs, ou mari et femme. »
Pas facile de vendre quand le fondateur est toujours présent
Le premier cas est le plus délicat à gérer, surtout quand c’est un père ou un grand-père qui a monté l’activité et l’a menée au succès. « Le fondateur est parfois encore présent, et pour les successeurs, ce n’est pas forcément facile de le convaincre de vendre » continue l’expert. D’autant que ces derniers lui doivent beaucoup, à commencer par une réputation reconnue et un patrimoine stable, garanti par la fidélité sur le long terme des clients du cabinet.
Vérifier qui prend la décision… et s’il en a le droit !
Le recul d’un intermédiaire spécialisé comme Viou & Gouron est déterminant. Avec sa longue expérience de ces situations où les non-dits finissent par se révéler au moment de la vente, le premier réflexe de Laurent Charrier est de vérifier qui prend la décision et s’il a bien les cartes en mains. « C’est une question de droit bien entendu, et il ne faut pas qu’un imbroglio avec des actionnaires minoritaires surgisse plus tard dans le processus, par exemple chez le notaire ou l’avocat chargé de rédiger le contrat final. » Mais au-delà du Droit et de la question des droits de vote, des surprises moins rationnelles sont également fréquentes. Par exemple, lorsque plusieurs enfants ont hérité d’une affaire familiale après une succession et ont des niveaux de part différents dans la société, il peut arriver que les associés minoritaires expriment, à l’occasion de la vente, leur mécontentement de ne pas avoir été choisi par le dirigeant pour lui succéder… même si tout a été fait dans les règles.
Les minoritaires ont aussi leur mot à dire, au-delà de leur poids dans le capital
« Nous ne pouvons bien entendu, ni ne souhaitons, nous immiscer dans ces conflits familiaux. Mais notre rôle est de les anticiper, en prévenant l’actionnaire principal du risque et en l’aidant autant que faire se peut à aplanir les difficultés en amont, en abordant franchement ces questions avec les minoritaires, ou du moins en ne les occultant pas. » Pour l’expert de Viou & Gouron, la particularité de ces affaires est bien ce décalage entre le nombre de parts sociales et le pouvoir réel, dans un contexte forcément passionnel lié pêle-mêle à l’image du père, et à la façon dont se sont organisés la succession et le passage de pouvoirs. « Vous pouvez dans certains cas voir l’associé majoritaire du cabinet se retrouver littéralement empêché d’agir du fait de ses sentiments, surtout si le fondateur est encore actif et participe à la vie du cabinet une fois devenu minoritaire ». Dans tous les cas, celui qui prend la décision va devoir l’assumer face à la famille, et ce n’est pas toujours facile.
Une bonne issue : s’accorder sur le prix de vente
L’autre contribution du professionnel de la cession est d’aider les parties à converger vers un prix de vente réaliste, grâce à sa connaissance du marché et des transactions récentes. « Là-aussi, les dissensions qui s’expriment sur la valeur de l’affaire sont parfois exacerbées par les regrets et les non-dits, et sont entremêlées avec les relations qui lient les uns et les autres au « père-fondateur », disparu ou encore présent. Mais c’est une situation que nous avons souvent eu à affronter et donc à aplanir, avec des actionnaires aux pouvoirs et aux objectifs divergents ». Un des arguments souvent avancés par Viou & Gouron consiste à rappeler qu’avec un juste prix, une affaire se vend généralement en 6 mois.
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Parmi les bonnes nouvelles que l’expert peut apporter dans la discussion, il y a également le fait qu’une affaire familiale a tout pour séduire les acheteurs potentiels, y compris les grands réseaux. C’est qu’elle est généralement synonyme d’une bonne implantation locale, avec des clients fidélisés parfois sur plus de 30 ans, y compris en gestion locative, cette partie de l’activité des AdB particulièrement recherchée.
Choisir son avenir professionnel
Ce point n’est pas négligeable, et doit inciter l’acquéreur à préserver le fonctionnement antérieur du cabinet. « Cela peut faire l’affaire des actionnaires familiaux qui ont ainsi toutes les cartes en mains s’ils veulent rester dans l’affaire comme simples salariés, indique Laurent Charrier. Pour prendre une image, dans ce cas, le noyau familial rétrécit, même s’il garde parfois une minorité dans l’affaire. »
Cette situation se retrouve plus souvent lorsque les membres de la famille sont frères et sœurs, mari et femme, etc. « Les ventes d’un cabinet avec un actionnariat familial de première génération sont plus sereines. Elles sont souvent le fruit d’une décision commune dans laquelle chacun peut trouver son intérêt, financier bien sûr, mais aussi à rester ou à partir une fois la vente conclue. » A chacun alors de se situer dans la nouvelle configuration qui peut être intéressante à la fois pour le cédant qui cherche un nouveau sens à son travail, et pour l’acquéreur qui peut s’appuyer sur son expertise.


