L’évaluation de la pérennité de la clientèle constitue un passage obligé lors de la cession d’un cabinet de syndic ou de gestion locative. Pour bien comprendre ce qui s’est passé jusqu’à présent, mais surtout pour tenter d’anticiper l’avenir du portefeuille… et le négocier au juste prix.
« 36 % des copropriétés voudraient changer de syndic, et jusqu’à 44 % en région parisienne ». Même si l’étude de l’Ifop pour Bellman date un peu (2020), et que les néo-syndics ont perdu de leur superbe depuis, le chiffre a de quoi effrayer les repreneurs au moment d’analyser le portefeuille du cabinet dont ils envisagent l’acquisition. Que restera t-il de sa clientèle dans un an, dans deux ans ?
En simplifiant le changement de syndic, la loi Alur du 24 mars 2014 a pu donner un coup d’accélérateur à la tendance. « La durée de vie moyenne d’un contrat était de 24 ans avant la loi, aujourd’hui elle est tombée à 17 ans » calcule pour nous Francis Bourriaud, ancien syndic lui-même, conseil de copropriétés presque vingt ans avec ADB Conseil, et créateur en 2015 de Syndicalur, une société de courtage spécialisée dans la mise en concurrence de syndics. « Notre mission est d’aider les copropriétés à trouver la bonne offre lors d’un appel au marché, mais aussi d’aider les cabinets qui cherchent des clients à sélectionner les meilleurs », explique-t-il.
La fidélité est une attente réciproque des copropriétés et des syndics
La position de Francis Bourriaux lui permet de bien comprendre les ressorts de la relation entre les copropriétaires et les syndics, sur ce qui peut favoriser sa pérennité… ou lui nuire. « La fidélité est une attente réciproque. Les présidents de conseil syndical n’ont aucune envie de changer tous les ans de prestataire, même si la loi le leur permet. Au contraire. Ils souhaitent plutôt avoir les armes pour résister à la pression que mettra l’inévitable grincheux de la copro ! ».
Un cabinet d’administration de biens tient évidemment à conserver ses clients, qui plus est lorsque les honoraires permettent de délivrer un service de qualité aux copropriétaires. C’est notamment parce qu’il s’est investi au départ dans chaque copropriété, en termes de temps, d’énergie et de personnel, qu’il peut espérer conserver la confiance de ses clients aussi longtemps que souhaité, et notamment après une éventuelle cession et le départ de son dirigeant.
Il est donc normal que la fidélité de la clientèle, mesurée par le taux d’attrition ou “churn” (proportion de clients perdus par le cabinet sur une période donnée), tienne toujours une place importante dans les discussions entre vendeurs et acquéreurs potentiels d’un cabinet – pour les syndics surtout mais aussi, dans une moindre mesure, pour la gestion locative. Chez Viou & Gouron, le spécialiste de la transmission des cabinets immobiliers, on s’attache donc, très tôt dans le processus, à mesurer la fidélité de la base clients en analysant son ancienneté dans les livres de comptes du cédant.
Comment valoriser la fidélité de ses clients ?
L’exercice n’est pas aussi simple qu’on pourrait l’espérer. Certes, dans d’autres secteurs de l’économie, la notion de CLV (Customer Lifetime Value) permet d’anticiper la valeur commerciale cumulée d’un client en multipliant sa durée estimée de persistance dans le contrat en place par le CA prévisionnel de chaque année. Mais une telle mise en équation paraît difficile à Laurent Charrier, associé chez Viou & Gouron. « Les chiffres sont indéniables, certes. Mais pourquoi un cabinet a t-il fait rentrer autant de clients l’année dernière ? A quel prix a t-il signé ces nouveaux contrats ? A t-il bénéficié d’une exposition particulière ? ». Autant de questions à se poser pour tenter d’anticiper sur cette fameuse fidélisation et pouvoir rassurer l’acquéreur potentiel.
Pour compléter sa première impression, on pourra consulter les avis des internautes sur les réseaux sociaux, et analyser l’historique des comptes clients, pour mesurer une éventuelle extension progressive des services vendus aux copropriétés. Autre perspective intéressante soulignée par Francis Bourriaud : « présenter des signatures de votes de dispense (de mise en concurrence du syndic, NDLR) par une assemblée générale de copropriétaires, constitue souvent le signe d’une relation de confiance appelée à durer ».
La fidélité a aussi de la valeur après la vente
D’autres facteurs vont jouer un rôle déterminant dans les suites de la vente et la pérennisation du portefeuille. Par exemple, un cabinet dont le dirigeant sera resté en première ligne dans les relations avec les copropriétés, entraîne plus de risques de déperdition suite à la transmission, qu’un autre dont des salariés assurent le contact avec les conseils syndicaux et les propriétaires.
Pour rappel, lors d’une cession, deux cas de figures principaux se présentent :
- Soit la société est vendue en intégralité : l’acquéreur récupère la totalité des mandats en son nom et les exerce de plein droit, au moins jusqu’à la prochaine assemblée de copropriété qui pourrait alors le remettre en question ;
- soit c’est le seul portefeuille qui fait l’objet de la vente : l’acheteur du portefeuille doit obtenir de chaque copropriété une nouvelle signature de contrat.
La deuxième solution offre évidemment une situation moins favorable. Mais dans tous les cas, il est important que la présentation du successeur se passe dans les meilleures conditions. « Le taux d’attrition à ce moment clé est important, prévient Francis Bourriaud, surtout si le sortant n’a pas fait un travail de préparation en amont ». Une attention particulière doit être portée sur l’e-réputation du cabinet : le premier réflexe de bien des copropriétaires sera de se précipiter sur internet pour lire ce qui s’y dit de leur nouveau syndic !
La fidélité, une valeur à géométrie variable ?
La transparence et la sincérité des relations antérieures entre le syndic et ses copropriétés constitueront des atouts lors de la phase d’accompagnement, qui demeure toujours cruciale dans la pérennisation du portefeuille acquis, insiste Laurent Charrier. Faut-il pour autant aller jusqu’à conseiller de lier la valorisation du cabinet vendeur à une proportion de clients qui resteraient fidèles après un laps de temps défini contractuellement ? Sûrement pas, répond le spécialiste : « Sur un marché demandeur, aucun cédant ne voudra signer ce genre de clause. Si le repreneur ne fait pas bien son travail d’onboarding auprès des copropriétés dans l’année qui suit la reprise, le vendeur ne s’en sent pas responsable et refuse d’être pénalisé financièrement ».
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Sans oublier que la valeur mise dans la fidélité de la clientèle rachetée n’est pas la même pour tous : un repreneur peut vouloir en priorité élargir sa couverture géographique, par exemple. Ou réaliser des économies d’échelle. Ou faire le tri parmi les copropriétés pour garder celles qu’il considérera comme les meilleures, et en encourageant les autres à partir… Comment savoir ce que veut vraiment un acheteur ? Mandater un intermédiaire spécialisé comme Viou & Gouron constitue la meilleure manière d’avancer dans la bonne direction.