Parmi les experts-comptables, il y a aujourd’hui plus d’acquéreurs que de cédants. Ces derniers peuvent donc choisir. A qui vendre leur cabinet ? Quels sont les critères à prendre en compte ? En fonction de quels objectifs ? Sur qui s’appuyer pour avancer ?
« La concentration continue, et il y a toujours davantage d’acheteurs que de vendeurs, commence Laurent Charrier, directeur général de Viou & Gouron. Est-ce que cela signifie qu’il est facile aujourd’hui, pour un expert-comptable désireux de céder son cabinet, de choisir son acquéreur ? Pas tant que ça !
Avant de choisir, il faut déjà connaître. Les acheteurs ne sont pas tous semblables. Nous en avons dressé une typologie, pour distinguer leurs motivations et leurs pratiques en matière de croissance externe. Il faut aussi définir ses critères, son idéal, sa latitude de négociation. Et enfin – et surtout – il faut trouver le meilleur match pour chaque cas d’espèce. On a rarement deux fois l’occasion de vendre son cabinet d’expertise-comptable ».
Connaître les repreneurs
Laurent Charrier distingue 3 grandes catégories de repreneurs :
- Les jeunes diplômés, ou des experts-comptables jusqu’ici en cabinet, décidés à poser leur plaque. Ils ont représenté 25% des acquéreurs en 2020 [1]. Ces repreneurs constituent souvent le profil idéal de successeur pour les confrères qui partent à la retraite, et manifestent une certaine affection pour ces « petits jeunes » qui leur ressemblent, quarante ans plus tard…
Ils ne sont pourtant pas faciles à trouver, et surtout moins nombreux qu’auparavant. « Beaucoup de jeunes diplômés sont devenus bien plus réticents à racheter une clientèle. Ils décident plutôt de se lancer seuls, ou bien attendent une opportunité dans le cabinet qui les emploie », estimait récemment Laurent Charrier [2]. On peut penser que la hausse des taux d’intérêt ne va pas aider à faire évoluer cette situation.
- Les acteurs de proximité. Beaucoup de cabinets manifestent leur intérêt pour la reprise d’un confrère. Mais si la volonté est là, elle ne se traduit pas forcément par une démarche active. Ils disposent déjà en général de 2 ou 3 implantations, et attendent patiemment qu’une nouvelle opportunité se présente.
Leurs motivations sont larges, et elles ne sont pas que géographiques :
- S’ancrer dans le territoire,
- Se développer sur une autre région,
- Acquérir une clientèle sectorielle,
- Une spécialité ou des dossiers qui les intéressent,
- Une organisation compatible…
Mais la dimension RH prend de l’importance – rien d’étonnant au vu de la situation du recrutement. Elle se manifeste par exemple dans la volonté de donner de l’espace à leurs collaborateurs, ou de confier de nouvelles responsabilités à un expert-comptable déjà au cabinet.
Le Covid a changé l’impératif de proximité géographique
« Nous avions un cabinet à vendre dans une grande ville du Sud-Ouest, en vue d’un départ à la retraite. Nous essuyons 3 ou 4 échecs avec des repreneurs locaux. Nous ouvrons le spectre. Et l’un de nos anciens clients, un cabinet parisien, se déclare intéressé : une de ses associés est originaire de la région, et ils avaient convenu ensemble qu’un jour elle y vivrait et y travaillerait. Elle pourrait ainsi prendre un volant de clientèle locale, et télétravailler sur les missions parisiennes. Et ce qui fut dit fut fait ! »
Laurent Charrier
Directeur Général de Viou & Gouron
- Les serial-acquéreurs
Leur taille est variée, et va du cabinet qui compte déjà 5 ou 6 sites, jusqu’aux grands cabinets régionaux, ou nationaux, et aux Big eux-mêmes. Leur politique de croissance externe est claire et documentée. Ils cherchent des compétences, mais ils ont aussi leurs conditions, généralement très encadrées. Qu’il s’agisse pour eux de prendre pied dans une région ou dans une spécialité qu’ils n’auraient pas encore en catalogue, ils veulent une certaine taille, et un certain type d’organisation.
Ces acquéreurs sont très conscients de ce qu’ils apportent : une notoriété, des spécialistes, des services supports (formation, informatique, recrutement, communication…), et un potentiel de carrières. Par la suite, certains tendent à imposer rapidement leur marque et leurs méthodes.
[1] Interfimo
[2] https://www.cegid.com/fr/blog/la-valeur-d-un-cabinet-comptable/
Quelles sont les attentes du vendeur ?
Pour bien envisager le choix d’un acquéreur, il faut aussi se pencher sur la situation du vendeur. Selon son projet et ses attentes personnelles et/ou professionnelles, le candidat idéal à la reprise ne sera pas le même…
- Départ en retraite
Ils ont longtemps représenté l’essentiel des transactions. Il s’agit de vendre une clientèle dont la récurrence est assurée par les lettres de mission, en même temps que l’outil de travail constitué par les collaborateurs du cabinet et leur équipement.
L’objectif est clair : le cédant compte se retirer. Il veut certes en tirer le meilleur profit, mais généralement en souhaitant protéger ses collaborateurs de longue date et ses clients fidèles.
- Rapprochement
Beaucoup d’experts-comptables de 40 à 50 ans cherchent à se rapprocher d’un plus grand groupe. Comprendre les raisons d’une telle démarche constitue la première étape. Le développement est-il freiné par l’impossibilité de recruter ? La rentabilité tend elle à s’effriter ? Les clients ont besoin de services ou de conseils que le cabinet ne peut pas lui offrir ? La nécessité de sortir de la routine se fait pressante tant pour le dirigeant que pour son personnel ?
Les attentes de ces professionnels sont nombreuses :
- Mutualiser les coûts informatiques, immobiliers, documentaires, humains,
- Développer le panier moyen des clients en profitant des savoir-faire complémentaires et des compétences recherchées,
- Offrir de nouvelles perspectives à ses collaborateurs,
- Bénéficier de l’avance technologique d’un cabinet plus avancé,
- Se décharger des tâches administratives,
- Partager les soucis du management,
- Gagner en taille et en visibilité…
Mieux encore, se rapprocher d’un plus grand, c’est s’engager dans un nouveau projet d’entreprise. Encore faut-il qu’il soit partagé ! On comprend l’importance pour le vendeur de disposer d’un conseil qualifié à ses côtés.
- Changement de cap
« Aujourd’hui, on n’attend plus forcément l’âge de la retraite pour vendre son cabinet. L’envie de changer de métier n’est plus jugée négativement, moins encore depuis les confinements du Covid. Je connais des experts-comptables ayant vendu leur cabinet qui sont aujourd’hui restaurateurs, entrepreneurs, et même boulanger !
Pour autant, poursuit Laurent Charrier, même dans le cas d’un professionnel qui quitte le métier, le sens des responsabilités demeure : respect des collaborateurs et des clients, pérennité du cabinet. Personne n’a envie de vendre au Diable ! »
Choisir son repreneur : à la recherche du match parfait
La possibilité de choisir est bien réelle. D’autant que les différences entre les prix proposés sont assez faibles. On ne constate pas de surenchère. « Il est rare que l’accord achoppe sur le prix de cession », résume Laurent Charrier. C’est avec d’autant plus de liberté que le spécialiste pourra croiser le projet du vendeur et les attentes des acquéreurs, pour accomplir au mieux les désirs du cédant.
Le rôle du consultant indépendant est crucial pour les experts-comptables qui veulent vendre leur cabinet. Pour construire la stratégie de cession, nous l’avons vu. Pour lui ouvrir, s’il le faut, des pistes inattendues. Mais aussi pour bénéficier de son antériorité lors la recherche proprement dite : « Viou & Gouron existe depuis 1920… Nous suivons les acquéreurs dans la durée, nous connaissons leurs attentes. Lors d’une recherche, leur approche est séquentielle et personnalisée. Il ne s’agit jamais d’action de masse. Passer une annonce, par exemple, c’est très aléatoire. L’équilibre précision-discrétion, notamment au plan local, est sujet à caution… alors que la confidentialité constitue une condition essentielle de la réussite ».
Le match parfait, c’est tout simplement de proposer le cabinet au bon acquéreur et au bon moment. Pour l’approcher, un guide s’avère presque indispensable !