Les petites copros et leurs syndics bénévoles, une niche de valeur pour les professionnels ?

Les petites copropriétés sont souvent gérées par des syndics bénévoles. Mais le maquis réglementaire, les difficultés relationnelles et surtout le temps à y consacrer, ont souvent raison des bonnes volontés. Ces petits lots peuvent-ils devenir une cible pour les syndics professionnels ? Oui, mais à certaines conditions…

Syndic bénévole, un sacerdoce ?

L’obligation ne date pas d’hier, rappelle Laurent Charrier, DG associé de Viou & Gouron, le cabinet spécialiste des transactions entre professionnels de l’administration de biens. Toutes les copropriétés, quelle que soit leur taille et même les plus petites (quelques lots), sont tenues depuis 1965 de désigner un syndic. Celui-ci peut être un bénévole volontaire choisi parmi les copropriétaires. Ces derniers peuvent aussi assumer la tâche à plusieurs (on parlera alors de syndicat coopératif).

Diverses évolutions réglementaires sont venues préciser le fonctionnement de ces copropriétés et, faut-il s’en étonner, compliquer la tâche de ces syndics bénévoles. On pense notamment à la loi ALUR du 24 mars 2014 qui a rendu obligatoire l’immatriculation des copropriétés, dans le but affiché de suivre plus précisément l’évolution de l’habitat en France. Les petites copropriétés jusqu’à 3 lots ont bénéficié d’un délai jusqu’au 31 décembre 2018 pour se mettre en conformité. Cette immatriculation permet notamment aux autorités de vérifier que les fiches synthétiques des immeubles sont bien tenues à jour, tâche qui incombe au syndic et qui demande du temps et de la précision. 

Les obligations règlementaires, et surtout leur instabilité, n’ont rien de rassurant pour les syndics bénévoles. Mais ce ne sont pas les seules : « S’assurer de la bonne marche d’un immeuble d’habitation demande des compétences variées : trouver et suivre les opérateurs pour les opérations courantes dans les communs, les prestataires pour des travaux spécifiques à réaliser ; éditer les appels de charges et relancer les éventuels retardataires, gérer les contentieux, répondre aux demandes des autorités municipales concernant la sécurité, etc. », rappelle le professionnel. D’autant que sa présence sur place, si elle assure une disponibilité appréciable par les copropriétaires, peut parfois exiger une bonne part d’abnégation !

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    Malgré ces réserves, ce mode de gestion des copropriétés continue à séduire. Selon les chiffres publiés régulièrement par l’Anah (Agence Nationale de l’Habitat), il y aurait aujourd’hui en France plus de 52 000 copropriétés gérées par un syndic bénévole, tandis que 320 000 sont gérées par un syndic professionnel. A noter que malgré l’obligation de 1965, un nombre encore très important de « copros » fonctionnent encore sans syndic ! Ceci explique sans doute pourquoi le nombre total de copropriétés fait toujours débat, et varie entre 550 000 et 800 000 selon les sources.

    Un marché de petites copropriétés

    Selon l’Anah, les syndics bénévoles gèrent au total 550 000 lots, ce qui représente environ 5% du nombre de lots en copropriété en France (estimés entre 10 et 11,4 millions selon les sources). Si cette proportion peut sembler faible, elle augmente toutefois lorsque la taille de la copropriété diminue :

    • 85% des copropriétés gérées en syndic bénévole sont des petites copropriétés (moins de 11 lots),
    • Les 15% restantes comptent moins de 50 lots.

    « Ce marché des petites copropriétés n’est pas, jusqu’ici, particulièrement ciblé par les syndics professionnels » admet Laurent Charrier. Mais la nature ayant horreur du vide, une offre de services, essentiellement portée par des pure-players proposant des plateformes en ligne, s’est mise en place depuis une dizaine d’années. Leur vocation ? Soulager les syndics bénévoles en leur proposant des outils de gestion pour la tenue des comptes des copros, mais aussi une dématérialisation de certaines obligations réglementaires, comme pour l’émission d’appels d’offres, ou encore l’organisation et la tenue des assemblées.

    La limite de ces offres, commercialisées pour quelques euros par mois et par lot, est toutefois atteinte dès que le syndic bénévole affronte une problématique trop spécifique, qui demande une assistance personnalisée. Bien sûr, les éditeurs assurent pouvoir répondre à ces questions, moyennant une facturation de services supplémentaires. Mais ils sont loin de pouvoir garantir l’accès à des compétences sur tous les sujets – ceux que maîtrise au contraire un syndic professionnel, responsable de plusieurs centaines de copropriétés, pour lesquelles il doit rassembler les expertises internes ou externes les plus diverses : juridiques, techniques, environnementales, etc.

    Un marché à explorer pour les syndics professionnels ?

    Cet équilibre instable a de quoi intéresser les administrateurs de biens qui cherchent à améliorer leur rentabilité, en baisse tendancielle depuis plusieurs années. Ils pourraient en effet trouver là de nouvelles sources de revenus, sans pour autant alourdir leurs charges, de personnel notamment. Mais il leur faut pour cela relever trois défis :

    • Digitaliser au maximum leurs processus et leur offre de services, afin de réduire les coûts et de ne pas mobiliser leurs ressources humaines sur des tâches répétitives. L’apport de l’IA sera un plus dans les années qui viennent. Et les plateformes de services citées ci-dessus peuvent fort bien servir de base à cette offre.
    • Limiter à l’essentiel les services proposés dans le bouquet de base pour rester compétitif au niveau des prix, en choisissant soigneusement ceux d’entre eux qui font la différence avec les offres des nouveaux entrants, et pallient leurs faiblesses.
    • S’appuyer sur les copropriétaires pour leur faire prendre en charge certaines tâches, par exemple concernant l’information ou l’animation des assemblées. Cela prolongera d’une part les bons aspects de leur expérience de syndic bénévole et, d’autre part, permettra de limiter les frais facturés.

    Ces optimisations, entreprises pour proposer une offre de services adaptée aux petites copropriétés, peuvent aussi servir les opérations à mener avec les plus grandes, et améliorer ainsi la rentabilité du cabinet sur l’ensemble de son parc. Une vraie fertilisation croisée en quelque sorte. Et qui aura toujours d’heureuses conséquences au moment de la revente du cabinet : « Lors de la vente d’un cabinet de syndic, ce qui compte, ce n’est pas la taille des copropriétés gérées mais leur fidélité et les taux de gestion appliqués » rappelle Laurent Charrier pour conclure.

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