Lors de la vente d’un portefeuille d’administration de biens, les mandats actifs ne sont pas transmis automatiquement au repreneur. La loi est claire : il faut les faire à nouveau signer par chaque client du cabinet. Une tâche fastidieuse… mais dont dépend le prix de vente final du cabinet. L’investissement des deux parties et un bon accompagnement extérieur facilitent cette étape clé.
La transmission des mandats, passage obligé lors de la vente de son portefeuille
Nul n’est censé ignorer la loi… et la rappeler n’est jamais inutile. « Nous sommes très souvent amenés à repréciser aux vendeurs les conséquences de la loi Hoguet sur les mandats qu’ils détiennent comme gestionnaire de biens ou comme syndics » explique Laurent Charrier, associé de Viou & Gouron, le spécialiste des transactions entre professionnels de l’administration de biens. En l’occurrence, la règle est claire, rappelle Me Caroline Dubuis-Talayrach sur son blog : « la Cour de cassation a jugé que les mandats ne font pas partie de la clientèle mais sont des contrats d’exploitation. (…) La cession d’un fonds de commerce d’agent immobilier n’emporte pas cession des mandats confiés à ce professionnel. »
Mais que serait un portefeuille clients sans mandats ? Heureusement, ajoute l’avocate, « la jurisprudence a grandement atténué le principe de l’intuitu personae : le transfert d’un contrat est possible si le co-contractant y consent ». Ainsi ce jugement du 7 janvier 1992[1] : « Le fait qu’un contrat ait été conclu en considération de la personne du co-contractant ne fait pas obstacle à ce que les droits et obligations de ce dernier soient transférés à un tiers dès lors que l’autre partie y a consenti » Cette jurisprudence a été consacrée par le nouveau Code civil. Les mandats sont donc transférables ». Bonne nouvelle !
Le transfert des mandats n’est pas automatique
Les mandats sont donc transférables, à condition que le nouveau mandat soit établi aux mêmes conditions que l’ancien – étendue de la mission, durée du mandat, taux de gestion, assurances et garanties financières. Mais cela ne signifie pas qu’ils se transmettent automatiquement lors du rachat du portefeuille. Les engagements réciproques doivent être formellement renouvelés.
Le cédant aurait bien tort de négliger ce point, pour deux raisons clés :
- L’argent : Lors de la signature de la vente, le montant final de la transaction sera directement lié à la proportion de mandats qui auront été accordés par la clientèle aux nouveaux actionnaires. « En clair, si une partie des propriétaires refuse de signer un nouveau mandat dans les délais, le prix de vente sera directement impacté » insiste Laurent Charrier.
- Le temps : il va défiler très rapidement, et les 3 mois généralement fixés pour la finalisation après la signature ne seront pas de trop pour obtenir le meilleur taux de mandats re-signés possible.
Ce que le vendeur doit faire pour maximiser le nombre de mandats transférés
A condition de bien comprendre les enjeux, et de s’impliquer aussitôt que possible auprès des clients du cabinet, les risques de perte de mandats vont pouvoir être contenus. L’avis du spécialiste :
- Le cédant doit communiquer très vite après la signature auprès de ses clients. Avant, la confidentialité de la vente ne lui permet pas de le faire sans prendre de risques. Mais s’il attend trop, il risque de manquer de temps pour les relances.
- La communication doit être transparente : « Il est toujours positif d’expliquer la raison de la cession (un départ en retraite par ex.) et aussi, pourquoi il a choisi ce repreneur plutôt qu’un autre » conseille Laurent Charrier, pour lequel l’un des points forts d’un cabinet indépendant spécialisé comme Viou & Gouron, est justement de chercher et trouver les acheteurs les plus compatibles avec le cabinet, son personnel et sa clientèle.
- Privilégier le contact personnalisé : éviter les courriers circulaires signés ChatGPT, décrocher son téléphone et prendre le temps d’un contact direct si nécessaire… : autant de conseils de bon sens, d’autant plus faciles à suivre si le portefeuille clients n’est pas trop étendu. On commencera par les clients qui présentent le plus de risques (grand nombre de lots, longueur du processus de décision – si les biens sont détenus en famille par exemple, tensions ou litiges en cours).
- Fixer des dates limites : au bout d’une première période d’environ un mois pour un premier courrier, la loi rend possible, via un second envoi de courrier cette fois en recommandé, la fixation d’une date limite pour un retour du client sur la signature du nouveau mandat, en l’absence duquel ce dernier sera considéré comme accepté. Il faut donc intégrer dans le planning un délai raisonnable d’un mois et demi pour cette ultime possibilité.
En pratique, assure Laurent Charrier, « nous constatons souvent un taux de 96 à 97 % d’acceptation des clients pour signer un nouveau mandat de gestion. Viou & Gouron va tout faire pour aider le cédant à l’atteindre, en lui proposant un repreneur avec lequel le courant passe, et dont les attitudes vis-à-vis de sa clientèle seront proches des siennes. Si le duo fonctionne bien pendant cette étape des mandats à resigner, les clients vont le sentir aussi et valider l’opération ».
De la pédagogie pour faciliter la transmission des mandats
La vente ne s’arrête pas à la signature de l’acte. La réussite de la transmission des mandats requiert un peu de psychologie… et beaucoup d’organisation. Mais elle est déterminante dans le montant final du chèque !
« La période de signature des nouveaux mandats demande avant tout de la pédagogie. De notre part, en tant que conseil des cédants et des repreneurs pour qu’ils ne négligent pas cette étape. Mais aussi, de la part du duo cédant-repreneur, lorsqu’ils vont se tourner vers leurs clients, si possible ensemble, pour leur expliquer l’intérêt qu’ils auront à continuer avec le nouveau dirigeant ».
Sans oublier que certains portefeuilles peuvent se développer pendant la période, si le vendeur fait rentrer plus de nouveaux mandats qu’il n’en n’avait initialement. Autrement dit, il est tout à fait possible d’obtenir plus de 100 % du prix convenu à la signature…
[1] Cass., 7 janvier 1992, n° 90-14831, et Cass.1re civ., 6 juin 2000, n° 97-19347
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