Sur un marché où il y a plus d’acquéreurs que de vendeurs, comme celui de l’Expertise comptable, on pourrait penser que tout est négociable, à l’avantage du cédant. Mais qu’en est-il dans la vie réelle ? Les réponses d’un spécialiste.
Qu’est-ce qui ne se négocie pas ?

Laurent CHARRIER, associé.
Négocier, c’est rechercher les termes d’un accord, dont nous allons détailler plus bas les nombreuses composantes. Mais pour commencer mettons de côté les points qui ne se négocient pas, soit du fait des pratiques propres à la profession comptable, soit pour des raisons légales.
Le mode de valorisation du cabinet
« Le métier d’expert-comptable a ses règles écrites (celles d’une profession réglementée), mais aussi ses règles non écrites », décrit Laurent Charrier, associé de Viou & Gouron, le spécialiste français de la cession des cabinets d’Expertise comptable. « Certaines choses se font, d’autres non. La base, c’est qu’on vend un outil de travail, et que ce qui donne sa valeur à l’activité du cabinet, à son équipe, à ses outils et aux moyens engagés, c’est son chiffre d’affaires ». Prétendre négocier sur une autre base offre peu de chances de réussite. C’est sur le montant des ventes récurrentes que s’appliquera un coefficient, qui varie généralement entre 0,8 et 1,2.
Le personnel du cabinet
La loi est claire : l’acquéreur prend possession de tous les contrats de travail, qu’il devra honorer. Pas question de « faire son marché » dans l’équipe en place au moment de l’achat.
La poursuite des contrats en cours
Il en va de même avec tous les autres contrats qui lient le cabinet à des tiers – licences de logiciels en SaaS, baux, emprunts, etc.
Le futur professionnel du vendeur dans le cadre d’un rapprochement :
Dans le cas où l’expert-comptable et/ou ses associés cherchent à s’associer avec un autre cabinet et rester aux affaires, ils devront adhérer aux principes et aux pratiques du confrère qui achète leurs parts. Ils obtiendront un contrat de travail, mais ne pourront pas imposer l’étendue de leurs responsabilités, ou leur implication dans les décisions du nouvel ensemble, par exemple.
Qu’est-ce qui se négocie ?
« Tout le reste ! », résume Laurent Charrier, qui précise : « Les experts-comptables, vendeurs comme acheteurs, parlent le même langage. C’est avant tout celui des chiffres. Et ils savent aussi que le diable est dans les détails ». Pour la réussite des négociations, l’intermédiaire va soulever, puis aider à trouver des points d’accord sur de nombreuses questions.
Le périmètre de la cession :
Faut-il vendre sa société ou sa clientèle ? « Parmi les vendeurs, certains exercent d’autres activités, comme la gestion de patrimoine, et souhaitent conserver cette activité – pendant les premières années de leur retraite par exemple ». Ceux-là préféreront vendre le portefeuille de missions comptables. D’autres ont des participations dans des structures pratiquant un tout autre métier (assurance, etc.), dont il faudra décider ce qu’elles deviennent.
« En général, ce sont plutôt les vendeurs qui ont la main dans ce domaine. Nous prenons donc en compte leurs préférences dès le stade de la sélection des candidats ».
Le prix :
La valorisation du cabinet d’Expertise comptable à céder constitue évidemment la plus essentielle des conditions d’achat. Elle s’appuie avant tout sur le courant d’affaires récurrent, autrement dit la somme des missions annuelles signées par les clients. Les missions ponctuelles sont peu valorisées, et l’EBE n’entre en ligne de compte que s’il s’éloigne fortement (en plus ou en moins) des rentabilités moyennes de la profession.
Le coefficient sur ce chiffre d’affaires sécurisé varie dans des proportions contenues. « La négociation n’est pas du marchandage, insiste le spécialiste. Les discussions n’interviennent qu’à la marge, dans la mesure où les deux parties connaissent bien leur métier, et parce que nous avons préparé notre offre en entrant dans le détail de sa valorisation ».
Parmi les facteurs d’ajustement interviennent les particularités du cabinet et de son portefeuille, et les conditions d’une éventuelle garantie.
Les garanties :
Les garanties concernent essentiellement les garanties de clientèle et les garanties de passif.
- Les garanties de chiffre d’affaires ou de clientèle : dans le cas d’une dépendance forte à un client ou à un secteur (risque de perte de client), ou encore si une proportion importante de collaborateurs a démissionné (risque de perte d’appareil productif), on peut mettre en place une garantie, dont les termes devront être bien cadrés du point de vue juridique,
- Les garanties de passif.
« Il est toujours difficile d’évaluer le montant des risques cumulés. Par définition, tout peut arriver ! Le repreneur ne connaît pas la société, et le vendeur n’est pas dans la tête de ses clients. Il y a des standards, mais on fonctionne souvent un peu au doigt mouillé ». En tout état de cause il faut considérer 4 niveaux pour la mise en place d’une garantie :
- Définir le montant – par ex. plafonné à 200 K€, et le garant (individuel ou collectif).
- Garantir le garant : via une garantie bancaire à première demande, quelquefois via séquestre
- Définir la dégressivité du plafond. Le risque diminue avec le temps, l’empreinte du passé aussi.
- Convenir d’un seuil de déclenchement de la garantie.
« Le sujet des garanties n’est pas un élément déterminant lors de la présentation du dossier. Mais une fois la discussion engagée, il sera propice aux échanges d’idées, et on trouvera ensemble des terrains d’entente ».
Les conditions de règlement :
La plupart du temps, le paiement s’effectue comptant à la signature de l’acte de cession. Lorsque l’on vend les parts de son cabinet, on détermine un prix provisoire à la date d’effet, et on établit un bilan de cession pour rectifier. Il peut y avoir une petite retenue de prix (jusqu’à 20%) en attendant les résultats définitifs.
Dans le cas d’une cession de clientèle, il n’y a pas besoin de bilan, mais si une garantie de clientèle a été mise en place, on convient d’une retenue de prix et l’ajustement intervient l’année suivante.
Le planning et les locaux
La date d’effet souhaitée fait partie des points à éclaircir rapidement, c’est elle qui permettra d’établir un planning. Les locaux (avec un bail), l’existence éventuelle d’une SCI possédée par le vendeur et/ou ses associés, la poursuite de l’exercice dans les mêmes murs ou un déménagement, constituent un autre domaine de réflexion.
Les limites de la négociation
« Notre objectif est de parvenir à mettre d’accord un acheteur et un vendeur dont les objectifs convergent. Quand l’alliage est bien pesé et que les conditions sont réalistes, la discussion est rapide », note le spécialiste.
Il peut y avoir des échanges sur des points particuliers : le télétravail accordé à certains salariés, l’automobile du dirigeant, etc. Mais arrive-t-il qu’un vendeur fasse des propositions irréalistes ? « Nous ne voyons jamais d’énormités, mais plutôt une addition de détails dont la somme peut s’avérer trop lourde ». Par exemple :
- Vouloir continuer à exercer après le départ du cabinet,
- Refuser d’accorder toute garantie de clientèle alors que le cabinet est en perte de vitesse,
- Se baser exclusivement sur une année exceptionnelle alors que l’activité est en dents de scie,
- Vouloir vendre simultanément l’activité et les murs,
- Vouloir une trop longue période d’accompagnement, à rémunération égale,
- etc.
« Chez Viou & Gouron, nous vivons chaque jour la réalité des fusions-acquisitions des cabinets d’Expertise comptable. Cette étape déterminante nécessite un accompagnement humain et technique à la hauteur des efforts investis dans sa vie professionnelle », conclut Laurent Charrier.
Vous vendez votre cabinet ?