La croissance externe est une habitude bien installée dans la profession comptable, tant parmi les grands groupes que chez des structures bien plus petites. Pour autant, leurs stratégies et leurs approches sont différentes. Entrez dans la tête des acheteurs de cabinets d’expertise-comptable aujourd’hui.
A chaque taille sa stratégie de croissance externe
« Nous échangeons chaque mois avec des dizaines d’experts-comptables qui cherchent des cabinets à racheter, explique Laurent Charrier, associé de Viou & Gouron, le spécialiste français de la cession des cabinets d’expertise-comptable. Leurs objectifs varient sensiblement en fonction de leur taille ».
Les grands et les très grands cabinets :
La croissance externe est dans l’ADN de ces cabinets situés dans le haut du classement annuel de La Profession Comptable. Elle répond à des besoins stratégiques, comme :
- Mailler le territoire, accompagner les grands clients partout où ils se trouvent,
- Devenir une référence au niveau régional ou national,
- Conquérir de nouvelles clientèles,
- Élargir son offre de services,
- Acquérir des compétences spécialisées,
- Peser davantage sur le marché,
- etc.
Mais elle obéit aussi à des motifs financiers :
- Satisfaire les actionnaires,
- Payer les dividendes,
- Assurer la sortie des associés historiques,
- Et développer la valeur capitalistique du groupe.
Dans la course à la taille, la croissance externe constitue le moyen le plus rapide de parvenir à ses fins. C’est la raison pour laquelle ces grands cabinets continuent à racheter des portefeuilles à un rythme soutenu.
Les cabinets de taille moyenne
Le premier objectif des cabinets de taille moyenne (20-50 collaborateurs environ) est généralement d’atteindre une taille critique. D’abord pour réaliser des économies d’échelle dans certains domaines, notamment l’informatique ou la formation, mais plus largement aussi dans un but commercial. Ils souhaitent pouvoir attirer de plus gros clients, développer de nouveaux pôles de compétences, et offrir de nouveaux services pour contrebalancer le recul des activités réglementaires historiques.
Les difficultés de recrutement actuelles accroissent l’intérêt qu’ils portent aux ressources humaines en place. Acheter un cabinet, c’est potentiellement s’adjoindre des professionnels qualifiés, mais aussi un ou plusieurs confrères avec lesquels partager les tâches de management, déjà lourdes à cette taille.
Les petits cabinets
« Le plus souvent, quand un petit cabinet en achète un autre, il s’agit d’une opportunité relationnelle avec un confrère local, sans stratégie particulière », note Laurent Charrier. Il arrive aussi que le dirigeant cherche à ouvrir un second bureau pour un chef de mission distant – par exemple une collaboratrice-clé qui aura souhaité vivre en région et pourra ainsi commencer avec un portefeuille, charge à elle de le développer sur sa zone.
Lire aussi : Les petits cabinets ont-ils un avenir ?
« La logique géographique prédomine, mais il peut aussi s’agir tout simplement d’une belle rencontre, note le spécialiste. Et ce ne sont pas forcément les moins fructueuses ! J’ai eu récemment le cas d’un expert-comptable indépendant, qui était fatigué de la solitude professionnelle. Sa vie a changé après le rapprochement avec un plus grand cabinet, et il m’exprime régulièrement sa gratitude ! ».
Les moyens mis en œuvre
Sur un marché où il y a bien davantage d’acheteurs que de vendeurs, une stratégie ne vaut rien si elle n’est pas parfaitement exécutée. Deux dimensions s’avèrent particulièrement importantes :
- Un circuit de décision court et transparent. « Ce sont les cabinets à circuit de décision court qui sont les plus efficaces », témoigne Laurent Charrier.
- Une discussion entre égaux. « Le vendeur veut rencontrer un pair, un homologue expert-comptable, et échanger entre patrons, même si la taille de leurs cabinets respectifs n’a rien à voir.
Chez les grands cabinets :
Sans surprise, les grands cabinets se sont organisés pour tenir leurs objectifs de croissance externe.
Quand un acteur de 200 Millions de chiffre d’affaires lève des fonds dans le but de doubler sa taille, l’opérationnel devient crucial. Ce sont donc leurs dirigeants qui tiennent les rênes des processus d’achat et des négociations. Les Présidents de ces grands groupes prennent leur voiture et se déplacent en personne pour rencontrer la cible. Le circuit de validation est court (par exemple prise d’avis chez un associé régional déjà dans le groupe, ou comité), et en tout état de cause il n’y a qu’un ou deux décisionnaires : le ou les présidents !
Cette implication personnelle des acheteurs est d’autant plus profitable qu’elle leur permet d’imaginer ce que deviendront le cabinet et ses hommes, une fois intégré, et de lancer des discussions constructives, au-delà de tout ce que le groupe peut apporter aux nouveaux-venus : visibilité, sécurité, services, équipes, avance technologique (dont l’IA), support, etc. Leur offre se situera au prix du marché, avec l’avantage d’un financement sans conditions suspensives.
Chez les plus petits :
« Parmi les nombreux cabinets en région qui s’adressent à nous, 95 % sont dans une logique d’expansion territoriale. Installé dans le Gard, celui-ci cherche un cabinet dans la Drôme. Tel autre en Moselle souhaite en racheter un à Strasbourg. Ils ont raison ! Nous constatons que la dimension géographique est consubstantielle à la réussite du rapprochement. Il faut pouvoir assurer aisément une présence et un suivi, et mutualiser les troupes et les outils ».
A l’inverse, l’expert-comptable qui chercherait à racheter un cabinet proche de son lieu de vacances, par exemple pour lier l’utile à l’agréable en rallongeant les week-end, ne constitue pas un modèle gagnant !
Bien que la croissance intéresse tous les cabinets, rares sont ceux de taille petite ou moyenne qui sont en recherche active. Ils suivent plutôt une logique d’opportunités – le confrère qui a les beaux dossiers de la région, l’acteur historique, etc. S’ils agissent seuls, sans le support d’un intermédiaire comme Viou & Gouron, ils peuvent attendre cette opportunité trop longtemps – au risque de la manquer quand elle se présentera…
Vous vendez votre cabinet ?
A quoi rêvent les acheteurs
L’acheteur est un entrepreneur. D’une rencontre avec un vendeur, il espère ressortir avec une opinion positive :
- Ce cabinet est fait pour nous,
- Son rachat nous fera avancer,
- Nous devrions bien nous entendre.
« Ça n’est jamais gagné d’avance ! Mais la sélection des candidats-acquéreurs que nous opérons au préalable optimise grandement les chances de « match ». Et les relations que nous avons avec eux permettent d’aller vite : j’ai le portable direct de tous les acheteurs potentiels », confie le spécialiste.