Le conseil RSE va-t-il valoriser les cabinets d’expertise-comptable ?

une main au dessus de cubes symbolisant la RSE

Le conseil RSE n’est encore que rarement abordé lors de la mise en relation d’un acheteur et du vendeur d’un cabinet d’expertise-comptable. Il n’en constitue pas moins un élément de sa valorisation dans les années qui viennent. Voici pourquoi.

Le conseil RSE, un nouvel Eldorado pour les experts-comptables ?

« Il m’est déjà arrivé de voir des ruches installées sur leur toit, mais je n’ai encore jamais rencontré d’acheteur à la recherche d’un cabinet en pointe en matière de RSE », avoue Laurent Charrier, associé de Viou & Gouron, le spécialiste français de la cession des cabinets d’expertise-comptable. Mais les choses pourraient rapidement évoluer.

Depuis 2017 les sociétés cotées de plus 500 salariés ou d’un chiffre d’affaires supérieur à 40 millions d’euros (100 millions d’euros pour les non cotées) doivent produire chaque année une déclaration de performance extra-financière (DPEF). L’obligation ne concernait alors que quelques milliers d’entreprises, et seuls les Bigs et les plus grands cabinets avaient créé des départements dédiés en recrutant des collaborateurs experts.

La CSRD qui va entrer en vigueur de 2024 à 2028 étend ce devoir de reporting à pas moins de 50,000 entreprises. Elle approfondit l’analyse à travers plus de 600 critères. Les CAC sont désormais assujettis à une obligation de formation de 90 heures sur la réalisation des audits extra-financiers. Et les offres de services RSE se multiplient sur les sites web des experts-comptables. Parmi les plus populaires d’entre elles, on trouve :

  •     Le diagnostic RSE,
  •     L’accompagnement des actions,
  •     Le rapport de durabilité,
  •     Le bilan carbone,
  •     L’audit de durabilité CSRD (pour les CAC),
  •     La transformation en société à mission.

Le mouvement ne semble pas près de s’arrêter : selon le baromètre OMECA 2023, près de 2/3 des cabinets d’expertise-comptable auront mis en œuvre leur offre RSE d’ici 2026-2028. C’est qu’au-delà de la dimension obligatoire, il s’agit d’un mouvement de fond. Les obligations de la CSRD se diffusent dans tout l’écosystème des donneurs d’ordres qui sont aussi responsables, en la matière, de leurs grossistes et de leurs sous-traitants (le « scope 3 »). Même un petit fournisseur va devoir communiquer des RSE éléments tangibles quant à son engagement. Et en interne, la pression des salariés, à commencer par les plus jeunes, peut aussi inciter un chef d’entreprise à avancer sur le sujet.

Une partie de la clientèle va donc se trouver tôt ou tard au pied du mur. Qui mieux que son cabinet comptable, qui connaît son entreprise et s’est formé à la RSE, qui dispose de toutes ses données comptables et sociales, pour guider et accompagner le dirigeant dans son effort ? Les 400 consultants spécialisés pratiquent des prix trop élevés pour la capacité contributive d’une TPE. S’ils tirent parti des outils d’aujourd’hui, les professionnels du chiffre peuvent être bien plus accessibles. Reste à transformer ce potentiel en chiffre d’affaires… et ce chiffre d’affaires en prix de cession pour qui souhaitera vendre son cabinet.

Un cabinet peut-il gagner de l’argent avec du conseil RSE ?

Le Conseil de l’Ordre des Experts-Comptables n’en fait pas mystère : il est crucial pour la profession de développer de nouveaux services aux entreprises. Le chiffre d’affaires par dossier réglementaire est tombé sous la barre des 3000 euros dès 2016 (vs. 3600 en 2002) et il s’établit en 2024 aux environs de 2500 €/an. Facture électronique et future automatisation de la CA3 vont continuer à déprécier les missions strictement comptables – qui représentent aujourd’hui encore entre 50 et 60% de l’activité des cabinets. La valeur créée via le conseil et de nouveaux services va donc s’avérer déterminante pour la pérennité des cabinets.

Le conseil en RSE peut-il constituer rapidement une activité rentable ? C’est l’avis de Stéphane Da Mota, associé fondateur de ensõ rse, une start-up lauréate de l’accélérateur de l’OEC de Paris. Mais il y met une condition : « Pour faire du conseil RSE un axe de développement du cabinet, il ne suffit pas de se former. Il faut aussi s’équiper ». Avec une solution d’automatisation comme la sienne, qui utilise les données fiscales (FEC), sociales (DSN), open data, et organise les différentes missions RSE dans toutes leurs dimensions, « les experts-comptables sont dès maintenant capables d’aligner des prix de revient – et donc des prix de vente, tout à fait compétitifs, y compris sans l’aide du DPI ».
Il donne deux exemples concrets :

  • Un diagnostic RSE pour une PME sera vendu entre 5,000 et 8,000 euros par un consultant indépendant. S’il est industrialisé dans le cabinet, celui-ci pourra le vendre entre 1,000 et 3,000 euros.
  • Pour une mission d’accompagnement sur la même cible, un consultant facturera environ 10,000 euros, le plus souvent au temps passé. Avec des outils efficaces, le cabinet d’expertise-comptable peut proposer entre 2,000 et 4,000 euros.

Il en va de même pour les bilans carbone, les rapports extra-financier, etc. « En activant de 10 à 15% de son portefeuille clients, et à raison de 10 à 15 clients par an, même un cabinet de moins de 10 collaborateurs peut rapidement construire une BU rentable ».​

Les missions RSE ont manifestement de beaux jours devant elles. Mais participeront-elles à la valorisation du cabinet quand son ou ses dirigeants décideront de le vendre ?

Les missions RSE concourent-elles à la valorisation du cabinet ?

« Les deux éléments clés d’une valorisation sont le chiffre d’affaires et la récurrence de la prestation », rappelle Laurent Charrier. Le spécialiste n’a pas de doute sur l’existence d’un beau potentiel de marché pour la profession du chiffre en la matière, mais il souligne que beaucoup des services RSE sont encore facturés comme des missions spécifiques, one-off : faire un bilan carbone, un diagnostic, un rapport de durabilité, etc. Et cela pose un problème.

Bien sûr, on peut penser que la nature même du sujet traité – la durabilité – implique par définition une collaboration durable. Sauf cas exceptionnels (comme une grosse commande qui serait subordonnée à la production d’un diagnostic ou d’un bilan carbone, par exemple), « les missions RSE dans les PME se suivent et se complètent. Une entreprise qui a entrepris un plan d’action va souhaiter recalculer son bilan carbone afin de valoriser les progrès accomplis. Une autre voudra mesurer comment chaque partie prenante a apprécié les efforts mis en œuvre. Les dirigeants demandent des indicateurs récurrents et veulent voir des résultats, avant de construire un nouveau plan, un nouveau rapport extra-financier, etc. », détaille Stéphane Da Mota.

Mais les faits sont têtus, insiste Laurent Charrier. « Reconnaissons-le, un acheteur aujourd’hui investit plus dans un existant et sa capacité à durer, que dans un potentiel de développement. C’est la raison principale pour laquelle les missions de conseil sont difficiles à valoriser, tant qu’elles restent exceptionnelles, sans lettres de mission ». Leur taux horaire est certes bien plus élevé, mais il reste toujours un doute quant à l’intuitu personae. « Même si l’acheteur peut s’attendre à être sollicité pour d’autres missions de ce genre après le départ du dirigeant, il ne sait ni quand ni combien. Et ce doute n’est pas favorable aux vendeurs ».

Résultat : la règle générale lors de la valorisation d’un cabinet d’expertise-comptable reste d’appliquer un coefficient sur le total des lettres de missions, en excluant les autres prestations.

Consolider pour valoriser

D’une manière ou d’une autre, il faut donc pérenniser de façon formalisée le conseil et l’accompagnement en matière de RSE, si l’on veut que le chiffre d’affaires généré soit pris en compte à sa juste valeur au moment de l’évaluation du cabinet. Deux méthodes peuvent se compléter :

  • La lettre de mission RSE – des modèles sont notamment proposés par le CNOEC ;
  • L’abonnement récurrent à des services en ligne : plate-forme collaborative, guides, formations, planning-types, indicateurs d’avancée, etc., dont le choix dépendra de la nature des besoins et des projets de l’entreprise.

« Une fois les missions consolidées commercialement, elles pourront participer pleinement à la valeur du cabinet, au même titre que les travaux traditionnels. A date, nous pensons donc que le coefficient appliqué sur le chiffre d’affaires du conseil et de l’accompagnement RSE sera identique, le plus généralement compris entre 0,8 et 1,2 », conclut Laurent Charrier.

Viou et Gouron - Cabinet conseil en cession d'entreprises

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