La transmission en interne d’un cabinet d’expertise-comptable est souvent l’idéal de son dirigeant qui prépare son départ. Le modèle présente de nombreux avantages, mais il semble moins courant aujourd’hui. Qu’est-ce qui a changé ? Comment réussir quand même une transmission en interne ? La vision d’un spécialiste.
Une solution naturelle
« Chez Viou & Gouron, nous accompagnons chaque année des dizaines de vendeurs potentiels. Et il arrive que nous soyons sollicités dans le cadre d’une transmission en interne, explique Laurent Charrier, Directeur Général de l’intermédiaire spécialisé dans la cession et l’acquisition de cabinets d’expertise-comptable.
Parmi les cas de figure rencontrés le plus souvent :
- Le modèle traditionnel, où un jeune expert-comptable rachète la clientèle de son maître de stage. Il a longtemps constitué la référence. L’acquisition intervient à l’issue des années de stage, ou plus tardivement, au départ à la retraite du fondateur ;
- Celui où un expert-comptable diplômé, salarié depuis 5 ou 10 ans, s’est imposé comme véritable bras droit du dirigeant, comme un successeur naturel ;
- Quand un jeune expert-comptable du cabinet a déjà obtenu des parts (pour le remercier, ou le fidéliser, ou le tester comme associé par exemple) et apparaît favori pour prendre la suite ;
- Si le dirigeant a un ou plusieurs associés à qui il souhaite vendre ses parts.
« La transmission en interne constitue souvent l’idéal des cédants », remarque le spécialiste. Mais elle ne se décide sûrement pas au dernier moment. « Je rencontre des confrères à 5 ans de la retraite, qui voudraient recruter un jeune professionnel, le former, l’introduire auprès des clients, et lui vendre leur cabinet à leur départ. Je suis obligé de leur dire qu’à ce stade, ce n’est plus réaliste et beaucoup trop risqué. Il leur faudra passer la main autrement ! »
Les avantages de la transmission interne d’un cabinet d’expertise-comptable
La transmission interne a de nombreuses raisons d’être populaire parmi les vendeurs. Elle porte en effet des valeurs fortes, en particulier dans sa dimension humaine :
- La reconnaissance du travail accompli ;
- La confiance dans la nouvelle génération ;
- La préservation des valeurs du cabinet ;
- L’exemplarité d’un bras droit salarié qui devient patron ;
- Le maintien des relations clients, la continuité du service ;
- La réassurance des collaborateurs ;
- La transparence (chacun connaît les forces et les faiblesses du cabinet et de ses associés).
« La transmission interne comporte une dimension de filiation, résume Laurent Charrier. Elle constitue une solution de continuité vis-à vis des collaborateurs, des clients, et des autres parties prenantes. Elle est la démonstration de la pérennité d’une aventure entrepreneuriale et humaine. Il y a beaucoup de belles histoires ! ». A condition qu’elles soient parties sur de bonnes bases.
Valeur du cabinet et prix de cession des parts en interne
Le point-clé de toute cession d’entreprise – y compris quand on connaît déjà son acheteur potentiel, c’est son prix de vente. Pour le déterminer, il faut commencer par valoriser le cabinet à son prix de marché, avant d’imaginer le rabais éventuellement appliqué.
Disposer d’une valeur de référence neutre, précise, et à jour
Chacun peut avoir une idée différente de la valeur d’un cabinet d’expertise-comptable. Il y a des indicateurs relatifs à son activité, mais quid des conditions actuelles du marché ?
Là-dessus, les indications sont tellement plus parcellaires ! Il n’y a pas que le rationnel qui entre en compte, mais aussi les conversations lors d’un congrès, les indiscrétions après un rachat, la modestie des uns et parfois les rodomontades des autres.
Il faut pourtant bien commencer par savoir combien vaudrait le cabinet s’il était vendu à un tiers à la recherche de croissance externe. C’est ici qu’intervient Viou & Gouron : « Nous analysons en détail la structure du portefeuille, le potentiel humain, la rentabilité, et nous produisons un avis de valeur au moment présent ». L’activité, l’expérience et la réputation du spécialiste font de cette estimation un vrai rapport d’expert, sur la base duquel les discussions pourront s’engager de manière solide et réaliste.
Déterminer le rabais, pourquoi, comment ?
« Ayez en tête qu’une transmission en interne de gré à gré donnera lieu à un rabais », souligne Laurent Charrier. De manière générale, l’acheteur interne potentiel considérera qu’il a contribué à la valeur du cabinet aujourd’hui, et qu’il n’a pas à payer pour le fruit de son travail. Et on ne pourra que lui donner raison. Le vendeur devra consentir un rabais. Reste à déterminer sa hauteur.
C’est ici que s’arrête l’intervention de Viou & Gouron. « Nous ne pouvons pas décider à la place du vendeur. Celà dépendra de lui, et tiendra beaucoup à l’historique de l’acheteur interne, par exemple :
- Il a tenu la barre à un moment critique (accident ou maladie du dirigeant, incendie…)
- Son implication et ses qualités commerciales ont permis de développer notablement le chiffre d’affaires,
- Il a fait avancer le cabinet dans sa transformation numérique, l’automatisation, l’IA,
- Les clients ne jurent que par lui,
- …
L’ancienneté (comme associé minoritaire, comme bras droit, etc.) peut également entrer en ligne de compte, ou encore une spécialité très demandée (conseil en gestion de patrimoine par ex.).
« Un rabais de 20% sur la valeur marché est assez courant. Il peut s’élever jusqu’à 40%, évidemment au détriment du vendeur qui n’aura pas deux occasions de monétiser son affaire. A moins de 80% de la valeur réelle de son cabinet, le dirigeant fait un cadeau au repreneur. C’est son choix ! ».
Pourquoi la transmission interne marque le pas
Malgré ses avantages et les rabais consentis, la transmission interne est moins répandue qu’il y a cinq ou dix ans, constate le spécialiste. Un phénomène qu’il explique par la réticence des acheteurs :
- Les incertitudes d’un métier en pleine transformation, la généralisation des outils IA, le développement de nouveaux services… Est-ce bien le moment d’acheter ?
- La préférence des futurs diplômés pour accomplir leur stage de DEC dans un grand cabinet, ou au moins d’une certaine taille, plutôt que de rejoindre une petite structure ;
- La culture du travail des générations montantes ;
Et un facteur déterminant : le montant du chèque – et de l’emprunt à solliciter, puis à rembourser. Beaucoup de cabinets ont grandi, et la somme en jeu peut vite devenir trop importante pour un particulier. Sans compter des taux d’intérêt pas forcément favorables. Faut-il renoncer ? Non, car d’autres solutions existent, qui peuvent se révéler avantageuses pour tout le monde.
Comment un rapprochement peut favoriser la transmission interne d’un cabinet comptable
Vous avez dit paradoxal ? « La meilleure solution pour atteindre son objectif de transmission interne de son cabinet, ça peut être… de le transmettre en externe, autrement dit de le vendre à un tiers (pour tout ou partie selon le montage retenu) ! ».
Dans un contexte RH pénurique, les cabinets acheteurs recherchent tous des structures autonomes, et des experts-comptables pour les faire tourner. Disposer d’un responsable en place, compétent et fiable, voilà leur idéal. Après le départ de l’ancien dirigeant, son ancien bras droit, ou l’ancien stagiaire de DEC, pourra diriger effectivement le cabinet et prendre de nouvelles responsabilités. S’il veut conserver des parts, c’est possible. S’il en veut davantage, il n’aura pas à cautionner personnellement un emprunt bancaire, car il sera soutenu par l’acquéreur.
De son côté, le cédant vendra au prix marché, sans rabais ni délai. Les minoritaires pourront en faire de même, monter au capital ou s’associer à la holding de tête, selon la formule choisie.
Un rapprochement peut donc permettre de concilier les intérêts de tous, tout en préparant l’avenir. Une option à investiguer avant toute décision !
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Vous vendez votre cabinet ?