Beaucoup de cabinets d’expertise-comptable ressentent aujourd’hui le besoin de s’unir pour réussir. Plutôt que de rejoindre un plus grand acteur, certains pensent à un rapprochement entre égaux. De quoi s’agit-il et comment s’y prendre : expérience et conseils d’un spécialiste.
Qu’entend-on par un « rapprochement entre égaux » ?
« Le cas se présente régulièrement, témoigne Laurent Charrier, associé de Viou & Gouron, le spécialiste français de la cession des cabinets d’expertise-comptable. Les dirigeants de cabinet qui viennent nous voir ont des doutes sur leur capacité à changer seuls de modèle d’affaires. Leurs coûts de fonctionnement sont en hausse ; ou encore ils n’arrivent pas à recruter. Ils ont conscience que l’union fait la force, tout en demeurant profondément indépendants. Le rapprochement avec une structure de même taille constitue une solution ».
On appelle des « rapprochements entre égaux » la fusion de deux cabinets d’une taille relativement similaire pour former une nouvelle entité. Le plus souvent l’opération se passe par échange d’actions. Le concept est donc différent d’une fusion-acquisition classique, où le plus grand rachète le plus petit.
L’idée est simple mais, pratiquement, on ne la voit à l’œuvre dans les journaux économiques qu’à l’occasion de très grosses opérations : Sopra-Steria, Essilor-Luxxotica, Renault-Nissan, etc. Les mouvements qu’elles entraînent font le bonheur des chasseurs de tête. Et rares sont ces méga-fusions qui évitent la guerre des égos ! Sans compter que l’on constate souvent qu’assez vite, l’un des deux « égaux » prend le dessus sur l’autre…
Dans l’univers des experts-comptables, on est bien loin de ces préoccupations. L’échelle économique n’a évidemment rien à voir. Et quand l’opération est réalisée, comme la hiérarchie des cabinets est courte, il y a peu de chance que l’information se perde dans les étages[1] !
« S’agissant d’un rapprochement entre égaux, plus qu’une parfaite égalité de taille (clientèle et/ou personnel), ce qui compte c’est d’abord de partager une philosophie de travail : une même manière de voir le métier et de servir le client. C’est ensuite de définir un projet commun », clarifie le spécialiste.
Les objectifs du rapprochement entre deux cabinets comptables
La motivation provient souvent d’une question de taille critique pour supporter les dépenses et les investissements. La profession est en pleine mutation, les défis s’y multiplient. Elle doit affronter la menace de nouveaux et puissants concurrents (les banques, certains éditeurs de logiciels), automatiser un maximum de process pour retrouver de la productivité, s’initier rapidement à l’IA générative, retrouver de l’attractivité pour les jeunes générations…
Une mise en commun des ressources et des moyens permettrait de faire des économies (sur l’informatique, sur les locaux…), ainsi que de mieux rentabiliser les investissements en temps et en formation. Et peut-être, surtout, de soulager la pression : « Retrouver de l’air devient une nécessité pour beaucoup d’associés, notamment dans les petites structures. Ils ne veulent pas rester prisonniers du quotidien, de l’administratif ou du recrutement, par exemple ».
Outre une consolidation des ressources, disposer d’une structure plus importante doit permettre de libérer les énergies. On imagine une organisation plus fluide, un meilleur partage du travail, des managers à l’écoute et des collaborateurs engagés. On veut pouvoir libérer du temps et de la créativité pour devenir le vrai conseil en gestion, voire le DAF externalisé, que beaucoup d’entreprises attendent. Dans tous les cas, il doit s’agir d’un projet plus ou moins partagé au départ, et co-construit à l’arrivée, souligne t-on chez Viou & Gouron.
Comment fonctionne un rapprochement entre égaux ?
« J’aime bien ce terme « rapprochement », reprend Laurent Charrier, et dans ce cas précis il est particulièrement juste. Les experts-comptables partagent une culture de profession libérale, où chacun est pleinement et personnellement responsable de sa mission. Les conditions de marché font qu’ils ont de nombreuses raisons de rechercher une telle alliance. Pour autant, l’objectif d’un rapprochement entre égaux n’est pas de créer une société de moyens ! Il s’agit bien d’une nouvelle structure, disposant de ses objectifs, d’une culture, et d’outils en commun – une start-up avec un historique ».
Pour réussir une fusion entre égaux, grands ou petits, la première chose à faire est de définir la gouvernance opérationnelle : les grands principes de l’intégration, et notamment les principes managériaux et les processus de prise de décision. Pour que le nouveau modèle managérial fonctionne, il va falloir apprendre aux équipes à se connaître et à travailler ensemble selon le schéma établi. Et idéalement, les intégrer dans la réflexion en se concentrant sur les clients et leurs besoins, aujourd’hui et demain.
Bien que loin d’atteindre les dimensions des méga-fusions, un rapprochement peut quand même susciter des tensions. Il s’agit en effet à la fois de :
- Fusionner deux cultures d’entreprise qui peuvent être différentes,
- Gérer les talents et s’assurer de leur fidélité,
- Intégrer les systèmes informatiques, ou aligner le cabinet sur un seul outil métier.
En la matière, l’anticipation constitue la seule règle. Une planification minutieuse de l’intégration, en se concentrant sur les aspects culturels, opérationnels et technologiques, s’avère essentielle pour assurer le succès de la fusion.
Le rôle de l’intermédiaire spécialisé
Chercher un rapprochement avec un confrère afin de constituer une entité plus forte et plus attractive est une étape classique dans la vie d’un cabinet d’expertise-comptable – comme dans celle de toute entreprise, d’ailleurs. C’est davantage la volonté qui importe que la répartition exacte des parts du nouveau cabinet. Selon l’expert de Viou & Gouron, « dans un « rapprochement entre égaux, le raisonnement fonctionnel est celui d’un 50/50. Mais en matière de capital, un 70/30 peut parfaitement fonctionner aussi. L’important, c’est le partage des responsabilités, et la façon dont chacun prend sa place, dans la holding de tête ou via une structure d’exploitation ». La rédaction du pacte d’associés tiendra naturellement sa part.
La particularité initiale de la recherche d’un rapprochement entre égaux, c’est que le cabinet « vendeur » n’est pas vendeur – et que ses associés ne sont pas appelés à sortir à brève échéance. Chacune des deux parties est à la recherche d’une solution à ses questions. Mais ce n’est pas forcément celle à laquelle elles avaient pensé au départ.
L‘intermédiaire spécialisé doit interpréter le projet. « Nous rencontrons des dizaines d’experts-comptables qui souhaitent consolider leur cabinet et s’ouvrir de nouveaux horizons. Le rapprochement entre égaux constitue une solution, mais elle n’est pas la seule. L’important, c’est d’avoir cadré ses objectifs et ses limites. Ensuite, c’est notre savoir-faire que de trouver la structure la mieux adaptée, d’assurer la juste valorisation de chaque cabinet, et de piloter l’opération jusqu’à sa signature », conclut Laurent Charrier.
[1] … si l’on n’oublie pas les collaborateurs distants, de plus en plus nombreux aujourd’hui.
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